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Icônes sculptées sur bois de Sergueï Artamonov - Qu’est ce qu’une icône ? Quelle est sa place, quelle est sa signification dans les sentiments et les pensées d’un croyant.
Essayant de répondre a ces questions, deux définitions célèbres me reviennent à l’esprit. La première affirme qu’une icône, qu’une fresque, qu’une sculpture - quelle que soit sa matière (bois, ivoire, métal ou broderie) - est une Bible pour les illettrés. Les livres étaient chers et tous ne savaient pas lire. Cette définition date de la période iconoclaste (VIIIe siècle), où les images saintes étaient systématiquement détruites, les peintres d’icônes torturés et mis à mort. Leurs mots directs et clairs encore qu’incomplets) en faveur des icônes, appelant à la vénération des images pieuses, sonnaient haut et fort et ne manquaient pas d’audace. Ces mots furent entendus et conservés jusqu’à nos jours, car ils sont justes et profondément raisonnables. Une rangée, plus tard des rangées, d’icônes montre et raconte beaucoup à l’œil attentif et à l’esprit de l’homme : les visages, les silhouettes des saints, les événements représentés deviennent une source de réflexion pour e spectateur attentif et une nourriture spirituelle pour le croyant.L’icône se distingue nettement des peintures et dessins à thème religieux par la rigueur de son message et par la modération de son style. Aujourd’hui encore tout homme sachant lire peut aisément le vérifier, en suivant les textes de l’Évangile. Ajoutons que si un peintre a dans sa palette la possibilité de se livrer à toutes sortes de variations sur son thème, sur les symboles utilisés ou simplement à des ajouts, de tout temps et partout, les peintres d’icônes eux ne pouvaient et ne voulaient avoir qu’un modèle unique. Les hagiographies et autres textes sacrés sont indispensables pour ce travail. Moi aussi, je me sers aujourd’hui de ces livres, n’oubliant pas les travaux canoniques des générations passées de toutes les terres de la Chrétienté, tout en essayant de ne pas méconnaître les points de vue de nos contemporains. Les auteurs de ces travaux s’adressaient à nous, chacun dans sa langue, chacun dans son style ou sa manière et pourtant une icône qu’elle soit copte, grecque, arménienne, russe ou française - reste une icône. L’icône est universelle. La deuxième définition, qui me revient souvent en mémoire quand ce sujet est abordé, par exemple lors d’une exposition, peut s’exprimer ainsi : « L’icône est une fenêtre sur le Ciel. L’icône est une fenêtre sur un monde, pour nous, invisible ». Et tout de suite, j’ai envie d’ajouter, pour moi-même : « Mais nous, nous sommes visibles, nous on peut nous entendre...* Toutefois ce genre de réflexion est d’ordre tellement personnel, tellement intime et solitaire ou bien se rapporte à des visions soudaines, des rêves, des désirs, que mieux vaut, je pense, s’abstenir de tout commentaire excessif. Il faut avouer que je ne trouve pas de mots simples, directs pour l’exprimer, même en russe. Et pourtant a pensée est là, claire et limpide. L’icône comporte le même paradoxe : une clarté, une simplicité qui sont pourtant inexprimables... Regardant longtemps, contemplant souvent la même icône, on ressent des impressions nouvelles, différentes, jamais perçues auparavant. La gravure sur bois est une des formes les plus anciennes de l’art en Russie. Les plus anciennes icônes gravées sur bois sont datées par les spécialistes du XIVe- XVe siècles. On en trouve dans les musées, au Kremlin par exemple. Hélas, quantité d’entre elles, encore plus que les icônes peintes, ont disparues. Les guerres, les incendies, l’ardeur iconoclaste du bolchevisme, simplement le temps écoulé, tout y a contribué. La Russie est aujourd’hui encore un pays de forêts, et de forêts jadis énormes. Dans les temps anciens - pas aussi anciens qu’on le pense - tout propriétaire avisé, dans son village ou dans sa ville, connaissait l’art de construire sa maison en bois, savait fabriquer ses meubles, sa vaisselle et des jouets pour les enfants... Et naturellement il y avait des gens plus adroits qui savait graver dans le bois - ce matériau docile, - une croix, une icône - cette image sainte qui allait préserver la maisonnée, la famille, a contrée du malheur. Je termine. Je vous recommande de regarder attentivement chaque l’icône, de l’examiner. Non pas une visite rapide, il ne faut pas hésiter à y revenir. Il faut des connaissances, de l’accoutumance et un désir patient. De tout cela naît un intérêt vivant. Du point de vue technique, les icônes sont en général taillées dans du tilleul ou des bois fruitiers qui ont une consistance homogène. Ils ne font pas d’éclats sous la gouge et permettent de travailler avec beaucoup de sûreté. C’est le cas du poirier qu’affectionne particulièrement Sergueï Artamonov car c’est un bois très dur et homogène. Il choisi son bois dans la nature plutôt qu’en scierie où il est séché en étuve et qu’il trouve trop sec. Pour sculpter il faut du bois gras et vivant. Les outils qu’il a apporté avec lui de Russie doivent être adaptés : pas d’acier trop dur mais du fer traité plus doux.. Une fois le travail à la gouge terminé, l’œuvre est enduite d’olifa, vernis spécial pour icônes en bois sculpté qu’il fabrique lui-même et qui donne une belle patine et protège le bois sans coller.La réalisation d’une icône sculptée prends du temps, le bois doit être parfaitement sec et de préférence fendu, son grain doit être très fin pour permettre un éclairage spirituel du motif religieux qui doit ainsi se projeter vers celui qui le regarde. J. Rigault Voir également : Exposition "L’art russe à Cormeilles" - du 23 au 30 novembre 2001
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