Premier ballet de Tchaikovski, Le Lac des cygnes résonne d’une singulière douceur et mélancolie. En 1895, Marius Petipa s’empare de ce chef-d’oeuvre et crée le mythe de la danseuse-cygne, ballerine par excellence. Dans la version de Rudolf Noureev, les personnages prennent toute leur ampleur psychologique offrant une dimension plus profonde à ce somptueux ballet d’action.
Piotr Ilyitch Tchaikovski : Musique
Rudolf Noureev : Chorégraphie et mise en scène
(Opéra national de Paris, 1984),
Ezio Frigerio : Décors
Franca Squarciapino : Costumes
Vinicio Cheli : Lumières
Les Étoiles, les Premiers Danseurs et le Corps de Ballet
Orchestre Colonne
Simon Hewett Direction musicale
Le sujet ne pouvait que séduire Tchaikovski qui fuyait son identité homosexuelle, entretenant une liaison épistolaire platonique avec son mécène, Nadejda von Meck. Aussi, quand en 1875 le Théâtre Bolchoï de Moscou lui demande d’écrire la partition d’un ballet qui s’inspire des légendes ancestrales de princesses métamorphosées en cygnes, il accepte aussitôt, même si composer pour la danse n’est pas considéré à l’époque comme une activité sérieuse. Des compositeurs de ballet qui l’ont précédé - Adolphe Adam (Giselle, 1841) et Léo Delibes (Coppélia, 1870 ; Sylvia, 1876) - Tchaikovski retient l’idée d’une œuvre globale homogène à caractère symphonique et le principe du « leitmotiv », thème mélodique définissant chaque personnage qui revient et se développe à chacune de leurs apparitions.
La création du Lac des cygnes a lieu en 1877 à Moscou, la même année que celle de La Bayadère de Marius Petipa et Ludwig Minkus à Saint-Pétersbourg. Mais si La Bayadère est d’emblée un immense succès, ce n’est pas le cas du Lac des cygnes, dont la critique apprécie peu la médiocre chorégraphie du Tchèque Wenzel Reisinger. Il faut attendre 1895 et la reprise du Lac à Saint-Pétersbourg dans la chorégraphie de Marius Petipa et Lev Ivanov pour que la partition nostalgique de Tchaikovski soit enfin mise en valeur. Gloire posthume au compositeur, décédé deux ans plus tôt.
En livrant à la danse la figure du cygne, Tchaikovski aura ouvert des horizons insoupçonnés au ballet, lui donnant le moyen d’approfondir ses propres modes d’expression et de se singulariser dans l’univers du théâtre et de l’opéra. C’est ce qu’a compris Marius Petipa : en façonnant l’image du cygne dans le corps de la ballerine, il a donné forme à son tour à un nouveau mythe, celui de la danseuse-cygne, danseuse par excellence.
Plusieurs versions du Lac des cygnes se sont succédées à l’Opéra de Paris. La chorégraphie de Vladimir Bourmeister, entrée en 1960 au répertoire, est la première version intégrale que découvre le public parisien. Dans la chorégraphie que Rudolf Noureev réalise pour le Ballet de l’Opéra en 1984 - la seconde après celle donnée vingt ans plus tôt à l’Opéra de Vienne - le Prince Siegfried se dérobe à la réalité du pouvoir et du mariage pour se réfugier dans ses rêves, où lui apparaît un lac magique porteur de l’amour idéalisé d’une femme-cygne. Par cette relecture freudienne, Rudolf Noureev ajoute une profondeur désespérée à la poésie romantique des « actes blancs ».
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