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Comme Innocents coupables, Don, mécènes et adorateurs est l’une des dernières pièces d’Ostrovski (1882). Son action se situe elle aussi dans le monde du théâtre, son héroïne, Néguina, est une actrice. Alexandre Ostrovski (1823-1886) est un dramaturge russe méconnu en France alors qu’il a toujours joui chez lui d’une immense popularité.
salle Maria Casarès Traduction André Markowicz Production Théâtre de Gennevilliers Rencontre avec le public dimanche 22 janvier 2006 à l’issue de la représentation Autour d’elle gravitent : l’autre jeune première de la troupe, bonne camarade mais sans les exigences intellectuelles, morales et artistiques - très nouvelles dans ce milieu - de Néguina ; le tragédien, forcément alcoolique et très désargenté ( sans « protecteur », ils le sont tous ) ; le directeur du théâtre, vrai professionnel mais soumis aux puissants du lieu ; l’assistant-accessoiriste, vieil homme cultivé, ancien propriétaire du théâtre, que sa passion a ruiné mais qui veille sur la flamme. Ce petit monde est un parfait microcosme de la province russe, vingt ans après l’abolition du servage, à la charnière entre monde ancien et modernité, avec l’apparition d’un nouveau public, d’une nouvelle génération d’artistes, habités de nouvelles exigences quant au répertoire et au style de jeu, et de nouvelles forces économiques et intellectuelles qui peu à peu supplantent les anciennes fondées sur les privilèges de la naissance.(...) Surtout, Ostrovski met en scène la figure du capitaliste moderne, non plus seulement propriétaire foncier mais industriel. Et mécène. Non pas comme les riches de « type ancien », en entretenant des actrices en échange de leurs faveurs, mais en offrant à un artiste les moyens nécessaires à l’éclosion et au rayonnement de son talent. (...) Don, mécènes et adorateurs c’est aussi, toujours, l’autocratie, incarnée par le haut fonctionnaire au service de l’ordre social, politique et moral établi, auxiliaire sans finesse mais redoutable de toutes les tyrannies, celle de l’Etat et celle des puissants et l’aristocrate de « type ancien », intelligent et cultivé à sa façon mais extrêmement vindicatif, pour qui le théâtre est encore le divertissement d’oisifs fortunés, une « chasse gardée » (...). Néguina, « artiste née », élevée sur les planches et dans les coulisses, fille d’un pauvre musicien d’orchestre et actrice de province autodidacte, trouve en Mélouzov, l’étudiant, celui qui lui apporte l’éducation qui lui manque et dont ses exigences artistiques lui font ressentir l’impérieux besoin. (...) Avec elle, Mélouzov rêve un avenir d’éducateurs laborieux et utiles aux autres. Mais arrive le moment où l’artiste « née » doit choisir entre sacrifier sa vocation à un devoir d’éducation ou se consacrer totalement à son art. Ce dilemme fait de Don, mécènes et adorateurs beaucoup plus qu’une description merveilleusement vivante du monde provincial russe à la fin du XIXe siècle. C’est comme un manifeste esthétique et politique que signe là Ostrovski, trois ans avant sa mort, alors qu’il a déjà écrit 44 pièces et qu’il touche presque à son but : créer un théâtre accessible à tous. Et une réponse à ceux qui, déjà, prétendaient subordonner l’art à une mission extérieure à lui-même (...) Non, nous dit-il, Néguina ne « trahit » pas, en suivant sa vocation, la grande cause que lui proposait Mélouzov. (...) Lui, en enseignant, accomplira sa vocation à lui, de militant contre l’ignorance et pour l’émancipation de son peuple. Elle, en étant fidèle à la sienne, par son talent, ouvrira, avec les grandes œuvres, le monde de la beauté, de la sensibilité à un public renouvelé et élargi. Sans hiérarchie mais sans confusion non plus entre les deux tâches. Tous les deux au service de leur peuple, œuvrant avec leurs moyens propres et par des voies différentes. Théâtre de Gennevilliers 7 janvier - 4 février 2006
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