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Avec Sonia Sarah Lipsyc, metteur en scène, auteur de la pièce de théâtre "Salomon Mikhoëls ou le testament d’un acteur juif", Alexandre Adler, historien et éditorialiste au Figaro, et Jean Baumgarten, spécialiste de la culture yiddish. Bernard Bloch, comédien, lira des extraits de la pièce de Sonia Sarah Lipsyc.
Salomon Mikhoëls (1890 (Dvinsk / Lettonie) - 1948 (Minsk - Bélarus), l’un des plus grands acteurs du théâtre yiddish, était également une figure du théâtre russe. Il connut le grand mouvement créatif qui animait alors le théâtre, lorsque les artistes circulaient d’une scène à l’autre. Ainsi Chagall réalisa des décors et les peintures murales du Gosekt, dont Salomon Mikhoëls devint l’acteur principal et le directeur à partir de 1929. Il y joua les classiques du théâtre yiddish, les auteurs juifs soviétiques mais aussi quelques pièces du répertoire universel dont "Le Roi Lear" - en yiddish ! Nommé président du Comité juif antifasciste par Staline, il n’en fut pas moins assassiné sur son ordre en 1948. MOSCOU, mardi 13 janvier 1948, fin de matinée. La nouvelle est tombée. Elle n’est encore connue que d’un cercle restreint ; les amis, la famille et bien sûr les Services. Salomon Mikhoëls, acteur du GOSSET, le théâtre juif d’Etat de la capitale, est mort. Officiellement, il a été victime, dans la nuit, d’un accident de voiture. Au Kremlin, le maréchalissime sait, lui, la vérité : Mikhoëls et son compagnon de voyage, le critique théâtral Goloubov-Potapov, ont été assassinés. La campagne ’anti-cosmopolite’ commence. Salomon Mikhoëls était né en 1890 en Lettonie. Il allait consacrer sa vie à la scène ; à sa langue maternelle, le yiddish ; à la promotion des valeurs humanistes croisées de la révolution d’Octobre et de la tradition populaire juive. Il est le plus célèbre des acteurs juifs d’URSS. Il est l’un des plus célèbres artistes soviétiques tout court. Et c’est pourquoi, à l’été 1941, quand les hordes allemandes déferlent vers l’Est, ouvrant la voie aux ’sections spéciales’, éclaireurs sanguinaires de la ’solution finale’, Staline confie à cet homme une tâche d’ampleur. Il le nomme à la tête du Comité des intellectuels juifs antifascistes. Avec pour mission de dénoncer dans le monde entier les crimes dont sont l’objet les juifs dans les zones occupées et d’obtenir le soutien des communautés juives, notamment celle d’Amérique. Salomon Mikhoëls préside meeting sur meeting. Il se rend lui-même aux Etats Unis, où il rencontre Einstein. Le comité compte les plus grands intellectuels juifs soviétiques du moment, l’élite de la langue et de la culture yiddish. La célébrité de l’acteur tient à sa laideur dont il a fait son charme. Elle tient à sa modernité aussi. S’il incarne sur scène des personnages du répertoire yiddish, il ne craint pas de jouer Shakespeare. En 1935, il sera le Roi Lear. Triomphe au GOSSET, où se pressent les Moscovites, qu’ils comprennent ou non la langue de Sholem Aleïchem. Salomon Mikhoëls est parti à Minsk, en Biélorussie, le 7 janvier 1948. Il devait y voir plusieurs spectacles pour la sélection du prix Staline. Le 12 au soir, des témoins ont raconté qu’il avait reçu un mystérieux un coup de téléphone lui fixant un rendez-vous soudain. De qui ? On n’a jamais su. Le lieu de la ’rencontre’ ? Des ruines, une impasse. C’est au matin qu’on a retrouvé les corps. Goloubov-Potapov, parce qu’il était témoin ; Mikhoëls parce qu’il fallait commencer par lui. Comme jadis, on commença par Kirov, un communiste trop populaire pour être arrêté et dont la mort pouvait servir. Après la disparition de son président, tout le Comité des intellectuels juifs sera décimé. La langue et la culture yiddish seront décapitées. Pour toujours. La famille ne pourra pas voir le corps sans vie de Salomon. Ceux qui le reconnaîtront, le directeur du GOSSET, par exemple, seront interpellés quelques semaines après l’enterrement. Farce tragique, on maquille le visage du défunt que la tradition russe oblige à montrer découvert. Rue Malaïa Bronnaïa, où s’élève le théâtre décoré par Chagall, sur les boulevards des fleurs, la foule s’est rassemblée. Enorme, sombre. Il fait froid ce 15 janvier, et toute la nuit, les portes du GOSSET resteront ouvertes pour permettre aux Moscovites de saluer la dépouille mortelle. Sur le toit d’une maison de bois, un vieux s’est assis qui joue sans relâche sur son violon le ’Kol Nidré’, la plus ancienne, la plus triste des mélodies juives... Tarif Unique : 8 euros
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