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Mariages russes : ’Hyménée’ de Gogol et ’La Noce’ de Tchékhov
Du 28 novembre 2005 au 26 février 2006

A cinquante ans d’intervalle, Gogol et Tchékhov se saisissent du rituel le plus codifié pour se moquer des hypocrisies, des égoïsmes et des étroitesses de leur société. La machine à marier fonctionne alors comme une machine à masques, une machine à théâtre, une machine à délire propre à faire exploser par le rire, la sclérose et les verrous.

N’est il pas paradoxal d’évoquer la vérité à propos d’un théâtre dont la veine comique est si puissante ? Le comique, on le sait, accentue, charge, déforme, décale la réalité.

Les deux pièces russes, Hyménée de Gogol et La Noce de Tchékhov, nous placent au cœur de la contradiction : on y voit des caractères empreints d’authenticité mais croqués avec l’œil de l’humoriste dans le rythme du vaudeville. C’est qu’ils sont emportés dans une démence dont ils n’ont même pas conscience. Une sorte de vertige verbal saisit les personnages, tous plus ou moins obsessionnels, et les entraîne vers une conduite absurde ou même délirante.

Nous sommes cependant ici loin des intrigues savamment narrées, des mécaniques huilées à la Labiche. Les personnages, observés dans leurs petitesses et leurs ridicules mais aussi dans leur vérité intérieure, sont dessinés avec justesse, pris sur le vif comme pour une photographie par des critiques féroces. Tel est le théâtre de Gogol et celui de Tchékhov qui fustigent avec la même réjouissance, la médiocrité, la vulgarité, les intérêts matériels et mesquins. La satire s’exerce sur toutes les catégories sociales mais en particulier sur le petit monde des fonctionnaires que connaît très bien Gogol, le premier à porter sur la scène russe le réalisme des caractères. Et le travail sur la langue de Tchékhov comme son comique sont bien dans le prolongement de l’écriture de Gogol.

Il était tentant de réunir les deux pièces en un seul spectacle enchaîné en trois actes, Aplombov, le marié de La Noce prolongeant l’histoire de Podkoliossine, le prétendant hésitant de Gogol. Mariage(s) où à défaut d’amour on ne parlera que d’argent et de dot, Mariage(s) où le rituel social rigoureusement codifié enferme les protagonistes sans leur laisser d’issue, Mariage(s) où la folie confine au fantastique à moins qu’elle ne se fige dans des masques à la Ensor.

Anne-Marie Lazarini

Gogol ’Hyménée’ (écrit de 1833 à 1842)

En 1833, après avoir écrit une série de nouvelles concernant la vie en Ukraine, Gogol est travaillé par l’idée d’une comédie. Il cherche « un sujet innocent dont un commissaire de police ne s’effarouche pas ». Il esquisse une histoire de petits propriétaires fonciers avides de riches mariages. Intitulée Les Prétendants, elle est l’ébauche de Hyménée. On y trouve déjà tous les types comiques, sauf celui du héros principal, Podkoliossine. Il semble qu’en 1835, il envoie le manuscrit d’Hyménée à Pouchkine et lui demande son avis. Puis en 1836, alors qu’il parle de fuir à l’étranger, il annonce en même temps qu’il a réécrit Hyménée et que « cela commence à ressembler à quelque chose ». Il reprend encore son texte en 1839 en vue de l’édition de ses œuvres.

En 1840, il en est déjà à la quatrième version. Il n’en achève définitivement la rédaction qu’en 1842 et la pièce est représentée pour la première fois le 9 décembre au théâtre Alexandrine de Pétersbourg. C’est un échec : les acteurs s’efforcent à tort de chercher dans cette suite de scènes volontairement décousues, des motivations psychologiques et des enchaînements plausibles. Le 5 février 1843, le grand acteur Stchepkine parvient à imposer Hyménée à Moscou. Créée au théâtre Marly, la pièce reçoit un succès d’estime et part en tournée.

Hyménée reste le premier exemple en Russie d’un théâtre dont le réalisme privilégie les types sociaux, les situations décalées où l’absurde pointe son nez plutôt que les intrigues savamment nouées des vaudevillistes de l’époque.

(d’après le Cahier du Nouveau théâtre d’Angers n°28 - 1994)

Tchékhov ’La Noce’ (écrit en 1889, en quelques heures...)

A la suite de l’échec cuisant de la première version d’Ivanov, Tchékhov se voit reprocher de « traiter trop dédaigneusement et la scène et les règles dramatiques » (Lenski). Il annonce alors qu’il n’écrira plus pour le théâtre, sinon des petits levers de rideau comme La Noce, qu’il vient précisément d’achever en quelques heures... La Noce, comédie miniature aux personnages nombreux, est l’une des plus célèbres pièces en un acte de Tchékhov. Il s’est servi de plusieurs textes antérieurs : un sketch humoristique, la Saison du mariage (1881), et deux nouvelles de 1884, Un Mariage d’intérêt et Mariage avec un général. Il faut ajouter la documentation de première main que lui fournirent en 1885 les mariages bruyants qui se tenaient à Moscou dans l’appartement au-dessus du sien, qui était souvent loué à cet effet. Dans ces cas là, la famille de Tchékhov organisait parfois des mariages pour rire et se mettait au diapason du bruit de l’étage au-dessus, portant des toasts et dansant frénétiquement sur la musique venue d’en haut.

La pièce est une satire hilarante sur les mariages tels qu’ils se pratiquaient chez les boutiquiers et où il fallait toujours un général, engagé pour l’occasion. Editée pour la première fois en 1890, la pièce subit des retouches en 1900 lors de la préparation de l’édition des Œuvres chez Marx.

(d’après Tchékhov de J. Simons et Tchékhov de Daniel Gilles)

En Russie à l’époque de Mariage(s)...

La situation des acteurs russes est pitoyable. Alors que sous leurs yeux frémit et fourmille une population bien vivante, on leur fait jouer des rôles dont ils n’ont jamais vu les originaux. (...) De grâce, donnez-nous des caractères russes : donnez-nous nos semblables, nos originaux, nos fripons ; mettez-les sur la scène pour le divertissement de tous !

(Gogol, Notes sur le théâtre à Saint-Pétersbourg)

Deux figures types de la société russe ont été largement utilisées dans la littérature de l’époque et leur « caricature » est particulièrement réussie dans Hyménée et La Noce... même si un demi-siècle sépare ces deux pièces...

Les Fonctionnaires

Pierre Le Grand avait imposé des réformes importantes au corps des fonctionnaires. Non seulement il institue le port de l’uniforme obligatoire (uniforme vert, avec insigne du grade et ministère de rattachement), mais en 1722 il réorganise la fonction publique sur le modèle de l’armée : le tchin règle toutes les questions de respect et de préséance, du grade 1er de Chancelier au 14ème de Régistrateur de collège en passant par le 8ème d’Assesseur de collège. Ce modèle d’organisation se révèle parfaitement inefficace dans la Russie du XVIIIème et du XIXème siècle. Ces fonctionnaires sont pour la plupart pusillanimes, irresponsables, bien moins préoccupés du service public que de leur propre carrière, méprisants avec les humbles, serviles avec les « personnages importants ». Gogol lui-même occupe en 1829 et 1830 deux postes modestes dans des ministères et c’est en connaissance de cause qu’il écrit dans Le Manteau : « Le régistrateur de collège devait faire son rapport au secrétaire de province, le secrétaire de province s’adressait au conseiller titulaire ou à quelque autre fonctionnaire, et ainsi de suite, en passant par tous les degrés de la hiérarchie. C’est ainsi que les choses se passent dans notre sainte Russie : chacun y joue au chef et copie son supérieur ». Le vocable officiel pour désigner le fonctionnaire, tchinovnik, est devenu une injure en Russie soviétique. Si les écrivains n’étaient guère respectueux des fonctionnaires de haut rang, les grades inférieurs étaient nettement les plus comiques : la seule mention de « conseiller titulaire » (9ème grade) préparait les spectateurs à un événement burlesque.

Les Marchands

Les marchands représentaient, dans la société russe, une classe à part, qui comprenait aussi bien des propriétaires d’usines que des commerçants. Ces hommes d’affaires ne formaient pas un ordre social au même titre que le clergé et la noblesse, car leur statut était précaire. Il n’était pas héréditaire et s’obtenait par le paiement des cotisations dues pour être admis dans l’une des deux guildes, la première réservée aux riches, y compris ceux qui s’occupaient du commerce avec l’étranger, la seconde aux professionnels plus modestes. Lorsqu’un marchand ne pouvait plus payer sa patente, il redevenait bourgeois ou paysan.

Les marchands constituaient, aux côtés du clergé et de la paysannerie, la partie la moins européanisée de la nation. Ils avaient de grandes barbes et portaient la raie au milieu. Les plus conservateurs s’obstinaient à se vêtir d’un long habit noir croisé boutonné jusqu’à la taille dans le style russe traditionnel, alors que les gentilshommes s’habillaient déjà à l’européenne. Les marchands ne parlaient généralement que le russe et ne savaient parfois ni lire ni écrire, mais on aurait payé cher l’erreur de les prendre pour de piètres négociants. Nombre de ceux qui réussissaient brillamment étaient des « vieux croyants », et, selon l’ancienne coutume moscovite, ils tenaient leurs femmes et leurs filles à l’écart de la vie sociale.

Ils étaient fort hospitaliers et donnaient de coûteux banquets où l’on servait à volonté esturgeon et champagne et auxquels participait, à l’occasion, un haut fonctionnaire ou quelque général, pour créer l’ambiance. Les riches marchands se faisaient construire des maisons minutieusement agencées, achetaient fort cher de superbes miroirs, des pianos à queue dont nul ne se servait jamais, et d’autres meubles de prix. Tout ceci n’était que parade, car, lorsqu’ils ne recevaient pas, ces hôtes fastueux se contentaient d’occuper, avec leur famille, quelques pièces minuscules dans un coin de la maison.

(d’après Les Ecrivains russes et la société 1825/1904 de Ronald Hingley, Hachette)

Nikolaï Gogol (1809-1855) :

- Jeunesse

Le 1er avril 1809, Gogol naît à Sorotchinsky en Ukraine. Ses parents appartiennent à la petite noblesse. Son père, petit fonctionnaire à la retraite, écrit de courtes comédies et participe à leur mise en scène. Sa mère, dévote, très attachée à son fils, exerce une influence morale et religieuse importante. Nikolaï sera l’aîné de douze enfants dont cinq seulement, lui et quatre sœurs, atteindront l’âge adulte. En 1821 il devient pensionnaire au Lycée de Niejine. C’est un élève médiocre mais il s’essaie déjà à dessiner, peindre, écrire et jouer la comédie. En 1825, le père meurt, et Gogol, seul homme de la famille, se sent investi de la mission de prendre soin de sa mère et de ses sœurs.

- Fonctionnaire.

Lorsqu’il part pour Pétersbourg en 1828, c’est pour devenir fonctionnaire. Mais loin d’avoir eu un parcours brillant, il peine à trouver un emploi, et, du Ministère de l’Intérieur au Ministère de la Cour, travail restera très peu épanouissant. En 1831, il enseigne l’histoire à l’Institut patriotique de jeunes filles... et les ennuie ; en 1834 il enseigne de nouveau cette matière à l’Université, mais son cours, jugé désinvolte, sera définitivement suspendu en décembre 1835.

- Ecriture.

Pourtant, Gogol est persuadé qu’il doit réaliser de grandes choses pour son pays. Sa prétention à devenir comédien des théâtres Impériaux étant déçue, il se met à écrire, d’abord sous un pseudonyme. Il publie deux poèmes : le lyrique Italie et le sentimental Hans Küchelgarten. Mécontent de l’accueil réservé à l’ouvrage il le détruit par le feu, geste qui deviendra chez lui presque une habitude, puisqu’en proie à une insatisfaction chronique, extrêmement sensible aux critiques, il brûlera ou reniera régulièrement ses œuvres antérieures. Il lui arrivera même de faire le tour des librairies pour en acheter les derniers exemplaires disponibles. Le premier succès vient avec les nouvelles qu’il écrit inspirées de la vie en Ukraine et regroupées dans les deux volumes des Veillées du hameau (1831 et 1832).

- Pouchkine.

En 1831, Gogol fait la connaissance de Pouchkine, rencontre essentielle puisque ce dernier lui suggèrera plusieurs sujets d’écriture ; ce sera le cas pour Le Révizor (1835, au moins 5 versions rédigées) et surtout Les Âmes mortes, l’œuvre de sa vie, commencée en 1835 et restée inachevée jusqu’à sa mort en 1855, sans cesse brûlée puis remaniée, même s’il se fait un devoir d’en reprendre l’écriture à la mort de Pouchkine en 1837, « pour sa mémoire ».

- Censure.

L’écrivain n’est guère épargné par la censure. Si Pouchkine réussit à éviter que Le Révizor ait à la subir - le tsar Nicolas 1er en ordonne même la mise en scène par les théâtres Impériaux et assiste à la représentation - la première partie de Les Âmes mortes est interdite par le comité en 1841 et ne paraît qu’après corrections et suppressions en 1842.

Mais il reste finalement le principal censeur de son oeuvre : malgré le succès du Révizor en 1836, auprès des libéraux, Gogol ne retient que le scandale qu’elle provoque chez les conservateurs, se sent incompris et renie rapidement cette comédie, « une bêtise ». En 1844, Gogol cesse d’écrire et ne rédige plus que des lettres à ses amis où il se pose en donneur de leçons et professe les idées les plus réactionnaires : il publie en 1847 ces Extraits choisis de ma correspondance pour racheter « le mal fait par ses œuvres précédentes ».

Parmi ses autres œuvres : Les Prétendants, Hyménée (écrites en 1833), Le Portrait, Le Journal d’un Fou, Taras Boulba (écrites en 1834), Le Nez (achevée en 1836). Les œuvres de Gogol ont été publiées en 1835 dans Les Arabesques en deux volumes, en 1843 en quatre volumes et rééditées à la mort de Nicolas 1er, en 1855, après trois ans d’interdiction totale.

- Voyages.

En 1836, Gogol part soudainement à l’étranger : c’est le début d’une série de déplacements presque incessants qui durera jusqu’à la fin de sa vie. Gogol voyage pour retrouver santé et inspiration. « C’est en cours de route que d’habitude se développe en moi le contenu de mes écrits ; presque tous mes sujets, c’est en voyage que je les élabore. » En 1840, Gogol tombe malade et sombre dans une dépression qui, entrecoupée de périodes d’exaltation intense, durera toute sa vie. « Ma santé est peut-être mauvaise, mais je suis mieux qu’en bonne santé (...) Je vis d’une vie merveilleuse, intérieure, immense, enfermée en moi-même. »

- Mysticisme.

En 1842, après la publication des Âmes mortes, Gogol se trouble et perd pied. Il passe son temps à étudier les évangiles, à s’interroger sur la nécessité d’entrer au couvent et projette un voyage à Jérusalem, voyage qu’il réalisera au printemps 1848. La piété de Gogol tourne peu à peu au fanatisme religieux, il veut travailler sans cesse au salut de son âme. Ses amis le mettent en garde contre ce mysticisme qui étouffe en lui l’artiste tandis que le père Matveï Konstantinovski, prêtre fanatique, l’incite à renoncer à la littérature et à redoubler de piété.

- Mort (43 ans).

En octobre 1851, Gogol se débat entre l’amour de son art, qui reste jusqu’au bout une exigence absolue, et la peur de l’enfer : il se consacre à la prière et au jeûne. Il veut se préparer à la mort. En février 1852, pendant le carême, il passe son temps à l’église et cesse de se nourrir. Il ne quitte plus sa chambre, refuse les soins. Son agonie dure huit jours. Il meurt le 21 après avoir prononcé ces derniers mots : « une échelle... vite une échelle... »

Quelques repères historiques...

- 1801-1825 : Règne d’Alexandre 1er.
- 1815 : La Sainte Alliance, conclue entre les empereurs de Russie et d’Autriche et le roi de Prusse, Charte morale de l’Europe, est fondée sur les préceptes religieux et doit protéger les monarques qui gouvernent leurs peuples comme délégués de Dieu et combattre tout mouvement subversif et révolutionnaire.
- 1825 : Quelques ouvertures presque libérales et éveil d’une vie intellectuelle moderne. Mécontentement de toutes les couches sociales. Famines.
- 19 novembre : Mort d’Alexandre 1er dans des circonstances troubles.
- 1825-1855 : Règne de Nicolas 1er. Les archaïsmes de la société russe deviennent particulièrement criants. Réaction brutale aux « libertés » cédées par Alexandre 1er en particulier dans l’éducation. Renforcement de la censure et instauration d’une politique réactionnaire étouffante.
- 1825 : L’empereur n’est pas populaire dans la Garde, composée de jeunes officiers nobles, hautement instruits, organisés en groupes plus ou moins secrets qui souhaitent un changement profond de la Russie.
- 14 décembre : mouvement des Décembristes. Alors que la Garde doit prêter serment à l’empereur, les officiers poussent leurs hommes à la révolte : 120 officiers et civils passent en jugement, 36 condamnés à mort (5 exécutés, 31 travailleurs forcés), de nombreux déplacés en Sibérie.
- 1833 : « Orthodoxie, Autocratie, Nationalité » sont les principes sur lesquels repose la Monarchie et auxquels toute personne doit se conformer. Le Tsar se méfie de la noblesse qu’il renvoie sur ses terres et engage dans les administrations un personnel nouveau, instruit, mais issu d’un milieu souvent modeste : devant sa promotion à l’Etat, cette nouvelle élite le servira mieux.

Ces élites comprennent qu’aucun changement n’interviendrait en Russie sans le soutien du peuple, mais leur intérêt se heurte au plus grand problème de l’époque : le servage. 1855 : Nicolas 1er meurt au moment où il perd la guerre de Crimée.


Anton Tchékhov (1860-1904) :

- Jeunesse.

Le 17 janvier 1860, 5 ans après la mort de Gogol, Tchékhov naît à Taganrog, petit port de la mer d’Azov, troisième enfant d’une famille qui en comptera six. Le père, qui pratique la brutalité comme méthode éducative, a ouvert une épicerie dont il impose bientôt la garde à ses trois fils aînés. Les enfants partagent donc leur temps entre l’école, la boutique (ouverte de 5h à 23h) et l’église où leur père, très pieux, les oblige à passer de longues heures à chanter dans le chœur qu’il a formé et dirige. En 1876, le père, ayant fait faillite, se réfugie à Moscou où se trouvent déjà ses deux fils aînés. Sa famille le rejoint quelques semaines plus tard. Anton reste à Taganrog. Il doit, à seize ans, vivre seul, terminer ses études, gagner sa propre subsistance en donnant des leçons, mais aussi venir en aide aux siens, responsabilité qu’il assumera toute sa vie, ne gardant aucune rancune des mauvais traitements subits dans l’enfance. Il rejoint sa famille en 1879 et s’inscrit à la faculté de médecine.

- Ecriture.

Parallèlement à ses études, il gagne sa vie et celle des siens en écrivant de courts récits et des chroniques théâtrales pour des revues humoristiques. Sa facilité d’écriture est prodigieuse, son imagination féconde, et ses nouvelles connaissent un rapide succès... même s’il continue lui-même à les qualifier d’ « excréments littéraires ». Il faudra, en 1886, une lettre de l’écrivain Grigorovitch pour qu’il prenne conscience de son talent : « Par les diverses qualités de votre indiscutable talent, par la vérité de l’analyse intérieure, par la maîtrise des descriptions, par le sens plastique... vous êtes destiné à écrire quelques œuvres excellentes, vraiment artistiques ». Il promet alors de respecter ce « don », de se consacrer à une grande œuvre, de signer de son vrai nom et sortir ainsi au plus vite de « l’ornière où il s’embourbait ». En 1887, il écrit sa première pièce Ivanov qui connaît un échec retentissant avant d’être couronnée de succès, après quelques remaniements en 1889. En 1888, il écrit des petites pièces légères Une demande en mariage, L’ours, des récits plus longs et graves dont La Steppe et reçoit le prix Pouchkine pour son recueil Dans le crépuscule. Il retravaille une pièce, L’Esprit des bois, dont on avait dit qu’elle « manquait de qualités dramatiques » et la rebaptise Oncle Vania. Puis il revient à des petits « levers de rideau » avec les deux comédies La Noce et Tragédien malgré lui (1889).

- Médecine.

La préoccupation principale de Tchékhov reste dans un premier temps la médecine et même après avoir pris conscience de l’importance de sa « mission » littéraire, il garde de cette première vocation une haute conception du devoir qu’il a envers les hommes. Les succès que l’écrivain rencontre ne parviennent pas à soulager une certaine insatisfaction et il juge sa vie inutile. En 1890, il part en mission sur l’île Sakhaline, en Sibérie, pour une étude sur la vie des forçats. Il passe trois mois, après un voyage périlleux, à observer les conditions terribles dans lesquelles survivent les exilés et leur famille : problèmes sanitaires, prostitution... Son rapport, L’Île de Sakhaline, dénonce cet avilissement de la personne humaine et donnera même lieu à des réformes administratives. En 1892, lorsqu’il s’installe avec sa famille dans une propriété, non loin de Moscou, il se consacre à la lutte contre la famine et contre l’ignorance, réinvestissant ses recettes théâtrales pour construire des routes, des écoles et soigner la population atteinte du choléra. Pour travailler, l’écrivain fait construire un petit pavillon en bois au fond du verger : il y écrit notamment Salle n°6 (1892) et Les Moujiks (achevé en 1897) où il fait en quelque sorte la somme de ses expériences paysannes. Quelques années plus tard, à Yalta où il s’installe définitivement en 1899, il recueille des fonds pour venir au secours des tuberculeux nécessiteux et leur procurer un sanatorium. A la toute fin de sa vie, en 1904, lorsque la guerre russo-japonaise éclate, il rêve encore de partir sur le front en qualité de médecin...

- Santé.

Cette double vie est d’autant plus harassante que lui-même, depuis 1884, souffre d’une tuberculose, qu’il soignera toujours assez mal, et est victime d’hémorragies régulières. Sa maladie l’oblige souvent à s’éloigner de Moscou où son mal empire. Ces activités sont entrecoupées de séjours en clinique, en Crimée, à Yalta où il devrait passer tous ses hivers, ou à l’étranger où il est censé se soigner sous un climat plus favorable. Mais Tchékhov ne voyage pas seulement pour se soigner. Certes son premier périple en Europe, qui suit de près l’épisode éprouvant de Sakhaline, est motivé par le besoin d’oublier les visions du bagne mais Tchékhov sera aussi toute sa vie parcouru du désir de voir et de connaître des lieux et des hommes nouveaux... et il voyagera jusqu’à sa mort.

- Théâtre d’Art.

Dès la première représentation d’Ivanov, Tchékhov se sent dépossédé de son œuvre par les comédiens qui, lui semblait-il « ne comprenaient rien, accumulaient les sottises, prenaient des rôles qui ne leur convenaient pas ». De nouveau en 1896, lorsque La Mouette est jouée à Saint-Pétersbourg, l’auteur est découragé par les acteurs qui, mal dirigés, déclament avec emphase alors qu’il les supplie, vainement, d’être naturels. Dès lors s’installe chez l’écrivain une grande méfiance à l’égard de l’interprétation de l’époque. A tel point que lorsqu’en 1898 Nemirovitch-Dantchenko et Stanislavski lui demandent de monter La Mouette, il refuse. Pourtant les deux créateurs du Théâtre d’Art à Moscou rêvent de bouleverser les traditions théâtrales grandiloquentes et d’imposer le naturel et la simplicité. Finalement Tchékhov cède. Quelques mois plus tard, il assiste aux répétitions et pour la première fois il a l’impression d’être compris par ses interprètes... qui font triompher La Mouette. Dès lors, l’œuvre de Tchékhov est liée au Théâtre d’Art. C’est là qu’auront lieu les premières de Oncle Vania (1899), des Trois sœurs (1901) et de La Cerisaie (1904).

- Olga Knipper.

Le Théâtre d’Art, c’est aussi la rencontre avec la comédienne Olga Knipper. En 1898, lorsqu’il assiste aux répétitions de La Mouette, il est particulièrement sensible à la beauté et au jeu de cette comédienne qui interprète le rôle d’Arkadina. La jeune femme partage son trouble mais Tchékhov doit très vite quitter Moscou pour aller se soigner à Yalta, et la mort de son père le décide à s’y installer définitivement. Au printemps 1899, lors d’une représentation privée de La Mouette, son attirance pour Olga Knipper se renforce et après qu’ils aient passé une partie de l’été ensemble, une correspondance quasi quotidienne s’engage entre l’écrivain et l’actrice. Il ne retrouve la comédienne que lorsque le Théâtre d’Art se rend en avril 1900 à Yalta et Sébastopol. Leur mariage est célébré en 1901, dans le plus grand secret, mais leur relation continue d’être faite de retrouvailles et de séparations.

- Mort (44 ans).

Après trois mois de vie conjugale, Olga reprend ses répétitions à Moscou, Anton passe à Yalta les trente mois qui lui restent à vivre, avec de rares séjours à Moscou, dont chaque fois il revient plus malade. En 1903, il écrit La Cerisaie, qui sera présentée en janvier 1904. Il passe l’hiver à Moscou. Début juin il part avec sa femme dans un sanatorium de la Forêt Noire, à Badenweiler où il meurt dans la nuit du 2 juillet après avoir bu un verre de champagne et déclaré en allemand : « Ich sterbe » (je meurs).

Petits repères historiques
- Règne d’Alexandre II depuis 1855.
- 1861 : Emancipation des serfs. Réformes du Service Militaire visant à élever le niveau culturel des officiers, éduquer les soldats, abroger les peines corporelles... Suppression de certaines restrictions à la liberté des écoles et universités.
- 1862 : Jacqueries et série d’incendies attribués aux extrémistes révolutionnaires.
- 1863 : Insurrection polonaise.
- 1866 : Tentative d’assassinat sur la personne du Tsar par un étudiant.
- 1870 : Les intellectuels et étudiants participent au mouvement populiste : répandus dans les villages ils se proposent d’éduquer la paysannerie et de fomenter l’agitation. Répression. Terrorisme.
- 1881 : Assassinat d’Alexandre II. Règne d’Alexandre III : « Orthodoxie, Autocratie, Nationalisme ». Nouvelles restrictions aux réformes d’Alexandre II.
- 1891-1892 : Grande famine. Le gouvernement est incapable de surmonter ces crises, les secours sont l’initiative de privés : cela renforce la position des forces libérales.[ Tolstoï et Tchékhov sont actifs.]
- 1894 : Mort d’Alexandre III, Nicolas II qui lui succède maintient un régime autocratique.
- 1895 : Lénine organise à Pétersbourg « L’Union de la Lutte pour la Libération de la Classe Ouvrière ». [ En août, Tchékhov, chez Tolstoï, assiste à une lecture de Résurrection. Il est mis sous surveillance officieuse de la police.]
- 1896 : Catastrophe au cours du couronnement de Nicolas II : ombre sinistre sur le règne du dernier empereur.
- 1902 : [ Tchékhov démissionne de l’Académie russe parce que Gorki, sur l’ordre du Tsar, n’y a pas été admis.]

A partir du 28 novembre 2005 :
- mardi 20h (nouvel horaire) ;
- mercredi, jeudi 19h ;
- vendredi, samedi 20h30 ;
- samedi, dimanche 16h ;
- relâche lundi.

Soyez les premiers aux premières jusqu’au 18 décembre 2005

Prix des places : 25 € ;
tarif réduit : 14 € ;
tarif jeune (-26 ans) : 10 €

- Location : 01 43 56 38 32 - FNAC - Virgin - Agences

Théâtre Artistic Athévains
45 bis rue Richard Lenoir
75011 Paris métro Voltaire
Tél 01 43 56 38 32 - Fax 01 43 56 08 97


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