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Elie Grekoff, grand artiste russe

Grekoff illustra aussi un conte populaire russe ’La Princesse Ensorcelée, orné de soixante deux gouaches exécutées en 1943, reproduites en sérigraphie et éditées en 1962, en compte d’auteur, en 900 passages !

Le 11 octobre 1914, à Saratoff, dans la province du Don, naissait « Elie GREKOFF ». Comme tous les cosaques du Don la lignée de Grekoff était des militaires ; son grand père était général et ses oncles des officiers.

Seul son père nourri des idées de Tolstoï a réussi à échapper au port des armes et est devenu ingénieur des chemins de fer.

C’était la guerre et bientôt la révolution.La vie de Grekoff commençait dans cette atmosphère tragique.

Elle devait pendant vingt années encore se dérouler dans l’incertitude du lendemain et les dures conditions de l’exil.

Après avoir mené une existence errante à travers la Russie, suivant le flux et le reflux des combats, facilité en ça par le métier de son père et s’être abrité pour quelques temps, dans une propriété qu’elle possédait près de Sébastopol, en 1920 la famille Grekoff se réfugiait en Turquie. Elie Grekoff avait alors six ans. A Constantinople et dans ses environs, la vie devint pour les exilés de plus en plus difficile.

Dès l’âge de dix ans, le jeune Elie dut travailler. Il n’avait pu fréquenter une école d’émigrés russes que pendant une année (Il réussit pourtant à entrer pendant quelques mois, à la fin de son séjour en Turquie, à l’Ecole Américaine).

Il avait quatorze ans, lorsqu’en 1928 on décida de venir s’établir en France.

D’abord ouvriers agricoles dans le midi, Elie Grekoff, son père et un de ses frères, se firent embaucher aux usines « Hutchinson » à Chalette, près de Montargis. Ils y travaillèrent un an, puis vinrent habiter Paris, toujours ouvriers aux usines « Hutchinson » de Puteaux. Grekoff suivait les cours du soir d’une école de TSF et il put ainsi se joindre à son frère aîné dans une petite fabrique de poste de radio. Et c’est là, en 1935, que part suite d’une rencontre de hasard, le destin de Grekoff devait prendre le chemin qu’il n’allait plus quitter.

Tout enfant, Grekoff rêvait déjà d’être peintre, et voici qu’un ami, peintre lui même, le recommande à un architecte qui voulut bien l’accueillir dans son agence.

Mais l’architecture n’était pas le fait de Grekoff. Et bientôt il l’abandonnait pour entrer à l’Académie Fernand Léger. Très rapidement Léger s’intéresse à lui et lui confia quelques travaux (agrandissements de ses gouaches, transfert des dessins sur les toiles et leur peinture préalable avant l’exécution définitive). C’est pendant ce séjour à l’atelier Léger que Grekoff exécuta en 1937 sa première décoration murale. A l’exposition Internationale de Paris, il fut chargé de la décoration d’un vaste panneau du pavillon du Bois.

Puis vint la guerre.

Mobilisé, fait prisonnier en 1940, Grekoff resta six mois en captivité, au Fronstalag 132, caserne Schneider à Laval, puis resta mobilisé six autres mois comme infirmier-ambulancier au Val de Grâce.

Mais le destin continuait à l’aider. C’est au cours de cette captivité qu’il rencontra le propriétaire des Editions de Cluny, qui, aussitôt après leur libération, lui confia l’illustration de plusieurs livres de luxe. Grekoff put ainsi illustrer « Les fleurs du mal » de Baudelaire (eaux fortes) - « L’aveugle clairvoyant » du Père Brückberger (eaux fortes) - « L’Enfer » de Patrice de la Tour du pin (lithographies).

Les premiers livres demandèrent à l’artiste un très gros effort. Il lui fallait acquérir un métier qu’il ne connaissait pas encore. Mais grâce à sa grande puissance de travail et à sa forte volonté, il réussit à utiliser avec art eau-forte et lithographie. A la fois mystérieuse et précise les eaux-fortes et les lithographies (en noir et en couleurs) de « L’Aveugle clairvoyant » et de « L’Enfer » affirment pleinement un métier qui n’est pas celui d’un novice.

Le résultat fut assez remarquable pour que l’éditeur Crezevault s’adressât à lui pour une édition de « Crime et Châtiment » de Dostoïevski illustrée de soixante douze lithographies. Servi par son hérédité russe et par son travail acharné de deux années, Grekoff réalisa une illustration impressionnante en profonde harmonie avec l’œuvre de Dostoïevski.

Grekoff illustra aussi encore de lithographies « Le Bivouac » de Jean Schlumberger qu’un groupe de bibliophiles offrait à son auteur à l’occasion de son 70ème anniversaire, un conte populaire russe « La Princesse Ensorcelée », orné de soixante deux gouaches exécutées en 1943, reproduites en sérigraphie et éditées en 1962, en compte d’auteur, en 900 passages ; également un choix de « Poèmes latins » pour une édition privée, illustrés d’eaux-fortes.

Parmi les livres illustrés dont l’édition ne fut pas réalisée par suite de difficultés commerciales, il faut citer « Thésée » et « Corydon » d’André Gide. On peut le regretter d’autant plus que Gide ayant pleinement approuvé les eaux-fortes de Grekoff en avait autorisé l’édition. Un projet d’édition du « Bateau ivre »de Rimbaud ne fut pas non plus exécuté, la reproduction des gouaches très riches en couleurs qui l’illustraient exigeant des frais si élevés que les éditeurs ne purent l’entreprendre.

Enfin, notons avant de quitter le domaine de l’illustration que Grekoff fut pendant plusieurs années l’illustrateur régulier des nouvelles du Figaro Littéraire, et pendant un temps plus court, d’Ecclésia.

Malgré le gros effort que lui demandait l’illustration, Grekoff continuait à peindre. L’Exposition Internationale de Lyon en 1951 allait lui fournir l’occasion d’exécuter une nouvelle décoration murale de grande envergure cette fois.

Monsieur Albert Charles, importateur de bois coloniaux, lui demanda en effet de décorer entièrement l’important « Temple du Bois » qu’il avait édifié à cette exposition. Grekoff y exécuta quatre grandes verrières en verre peint et, en collaboration avec le peintre Pierre Monteret, une vaste fresque de cent mètres carré relatant l’histoire du transport des bois coloniaux à travers les âges.

Plus tard, en 1959, il décorait aussi de fresques, avec le concours de Pierre Monteret, le hall du lycée de jeunes filles à Compiègne, (50m²) et tout récemment il composait, à l’Ecole du Chemin Vert à Saumur, une mosaïque dont il demanda l’inspiration à des dessins d’enfants et qu’il signa : « les enfants et Grekoff ». Elle fut exécutée en mosaïque de Ravenne par le regretté L. Melano.

Ses dons de décorateur purent aussi se manifester dans différents décors de théâtre que Grekoff exécute entre 1945 et 1960 :

En 1945, au théâtre Pigalle « L’Idiot » de Dostoïevski et « Les bas fonds » de Gorki ; au théâtre des Champs-Elysées « Le Mariage » de Gogol ; au théâtre de poche « Till Eulenspiegel » ; au théâtre des Mathurins « Electre » de Marguerite Yourcenar et « Portrait de famille » de Paul Gilson et Nino Franck.

Mais ce qui semble devoir être le plus important dans l’œuvre de Grekoff, se sont les cartons de tapisseries.

Depuis 1945 l’artiste s’est consacré à la tapisserie. Sa production tissée représente actuellement plus de 3000 m² ; c’est une production importante qu’égalent bien peu de cartonniers.

En 1945 un amateur lui demande de dessiner pour des fauteuils quatre petits cartons. L’exécution en fut confiée à la maison Pinton de Felletin. Ces cartons retinrent l’attention des frères Pinton qui proposèrent à Grekoff de travailler régulièrement avec eux. Depuis ce moment, presque toutes les tapisseries de Grekoff sont tissées dans divers ateliers d’Aubusson : Pinton frères, Raymond Picaud, Marianne Caron.

Au cours de ces années, l’art de Grekoff, comme tout art vivant, a évolué.

Jusqu’en 1962, environ, Grekoff a demandé à la personne humaine les thèmes de ses compositions. Jeunes filles, Jeunes hommes et enfants, dans un décor un peu féérique d’arbres et d’oiseaux. Des musiciens mélancoliques, des femmes rêveuses, des enfants un peu mélancoliques, c’étaient :

« La marchande d’illusion » - « Les petits oiseleurs » - La marchande de songes » - En attendant Godot » - « Le grand manège » - « La petite parade » - « Concerto fantastique » - « Sérénade pour un coq de clocher » - etc…

Quelques incursions dans la mythologie :

« Orphée » - « Léda » - « Apollon et Daphné » - Sujets classiques ou parfois bibliques « Adam et Eve », traités avec une fantaisie très mesurée et dans une gamme un peu estompée. A la fin de cette période les décors et les personnages deviennent plus irréels. Instruments de musique, arbres et personnages (ceux ci gardant pourtant leur vivante expression humaine), sont cassés, troués vidés. Certains de ses cartons à personnage sont encore tissés aujourd’hui à la demande d’amateurs.

En 1962, l’artiste quitte Paris. Il travaille maintenant dans le calme de la campagne angevine. Coïncidence ou influence de son changement de vie, l’homme n’apparaît plus dans ses cartons et c’est la nature seule qui l’inspire. Ecorces d’arbres, feuillages, insectes, oiseaux et ciels fournissent à l’artiste le support de leurs formes recrées dans la lumière de soleils et de lunes étranges (« Séraphin » - « Annick » - « Aurélie » - « On vous aime bien » - « Portrait de famille » - « Variation sur les pissenlits » - « Variation sur le chiendent » etc…

Grekoff imagine aussi quelques tapisseries entièrement abstraites.

Enfin il faut comprendre dans sa production les transpositions de gouaches et de statues de son ami Zadkine pour la tapisserie. Il avait eu en effet cette idée qu’il soumit à Zadkine. Au premier essai celui-ci fut si enthousiasmé et chargea Grekoff de faire tisser les transpositions d’une vingtaine de gouaches, dessins ou sculptures.

Zadkine fut si satisfait du résultat et jugea si important le travail de Grekoff (« C’est une recréation, disait t’il ») qu’il lui demanda d’apposer leurs deux signatures sur les tapisseries. Mais Grekoff, respectueux de l’œuvre de Zadkine, déclina cette œuvre généreuse. Une exposition de ces tapisseries eut lieu à paris, à la galerie Lacloche, place Vendôme.

Et maintenant je dois dire quelques mots de la méthode de travail de Grekoff.

Se souvenant des leçons de son maître Fernand Léger (et bien que la nature de son inspiration soit tout à fait autre), il n’oublie pas qu’une œuvre d’art doit être avant tout une composition de formes et de masses soigneusement équilibrées. Pour obtenir cet indispensable résultat, il ne recule pas devant une longue et minutieuse préparation. Le moindre détail est dessiné avec précision et qui regarderait l’artiste travailler pourrait croire qu’il songe à produire une miniature plutôt qu’un vaste panneau destiné à couvrir un mur. Mais, fondé sur cette minutieuse préparation, le carton achevé prend toute son ampleur et se développe sans faiblesses, sans espaces insignifiants ou vides. « En art, il n’y a pas de détails » écrivait Valéry. Le soin apporté à l’établissement de sa composition, Grekoff le met aussi dans le choix des laines destinées à son tissage. Les gammes de leurs couleurs sont longuement étudiées, comparées et leur assortiment strictement établi, avant d’être indiqué aux tisserands.

Si bien que, quelle que soit la nature de leur sujet ou l’époque de leur réalisation, rien dans les tapisseries de Grekoff n’a jamais relevé du hasard ou de la facilité.

Les tapisseries de Grekoff n’ont été qu’assez rarement exposées. Réunir un nombre suffisant de tapisseries est difficile, les amateurs se refusent souvent à prêter pour une exposition celles qu’ils possèdent.

Pourtant, à Paris, il exposa à divers salons et fit plusieurs expositions particulières :

Galerie Bohler, rue de faubourg Saint Honoré - Paris 1957

Galerie Montparnasse - Paris 1959

Galerie Doucet-Coutureau, place Beauvau - Paris 1971

Paris 1972

Paris 1981

En province, il eu des expositions particulières à Annecy, Bordeaux, Mulhouse, Dijon, Angers, Le Mans, Saumur.

Des tapisseries de Grekoff figuraient aussi à l’Exposition Française à Moscou en 1961 et à l’Exposition Internationale de Montréal en 1966.

Pierre MONTERET

Pour plus d’information :


Librairie russe Slavika.com

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